Au sommaire de cet article :
- Le “média”, un concept large pouvant se décliner de multiples manières
- Un statut juridique spécifique pour garantir une pérennité dans le système économique libéral et l’indépendance et le pluralisme de l’information
- La gouvernance et le financement au centre de la construction de l’écosystème médiatique
Le « média », un concept large pouvant se décliner de multiples manières
Parler de « médias » implique d’en donner tout d’abord une définition : selon le dictionnaire Le Robert, un média est un « moyen, technique, et support de diffusion massive de l’information (presse, radio, télévision, cinéma, …) ».
Cette description large trace les contours d’un concept pouvant se décliner de multiples manières:
- La presse écrite, comme Le Monde, Le Figaro, Libération
- La télévision, comme TF1, France 2
- La radio, comme Radio France
- Les médias en ligne sur internet, qui regroupent de l’information écrite, visuelle et auditive, comme Hugo Decrypte
Le rôle des médias dans la société démocratique française est principalement de diffuser une information fiable, pluraliste, et accessible à toutes et tous, sans distinction.
Un statut juridique spécifique pour garantir une pérennité dans le système économique libéral et l’indépendance et le pluralisme de l’information
Juridiquement, les médias ont un statut particulier ayant pour objectif de :
- garantir la pérennité de ces structures dans le système économique actuel
- garantir leur indépendance et le pluralisme de l’information
Ils sont considérés comme des entreprises de presse, c’est-à-dire des entreprises ayant pour objectif la collecte, le traitement, la production et la diffusion de l’information et des programmes pour en retirer un gain financier.
3 textes majeurs encadrent ce statut dans le droit français :
- L’ordonnance du 26 août 1944
- La loi du 23 août 1984
- Les lois du 1er août 1986 et du 27 novembre 1986
Trois grands principes sont affirmés dans ces lois :
- Le principe de transparence : envers les lecteur·ices à propos de la structure et des dirigeant·es du média, du financement et du contenu publicitaire (il est obligatoire de signaler les contenus publicitaires pour les différencier des contenus éditoriaux)
- Le principe d’indépendance : face aux puissances étrangères et économiques
- Le principe de pluralisme
La gouvernance et le financement au centre de la construction de l’écosystème médiatique
Lorsque l’on étudie l’écosystème médiatique, deux grandes notions reviennent régulièrement : la gouvernance et le financement.
La gouvernance peut être définie simplement comme un ensemble de décisions, de règles et de pratiques visant à assurer le fonctionnement optimal d’une organisation.
Le financement correspond, quant à lui, à l’action de fournir les capitaux nécessaires à la création et/ou au fonctionnement et au développement d’une entreprise, d’un secteur économique.
Ces deux concepts structurent l’écosystème médiatique et sont intrinsèquement liés. La manière dont les médias sont organisés permet d’en faire un découpage en plusieurs catégories : les médias de service public, les médias privés, et les médias indépendants.
Il est impossible d’établir des règles générales de financement et de fonctionnement s’appliquant à l’ensemble des titres d’une catégorie : par exemple, chaque média privé a son mode de gouvernance et de financement, qui diverge de celui des autres médias. C’est pour cela qu’en ce qui concerne les médias privés et les médias indépendants, cet article se basera sur l’exemple d’un ou deux médias de taille importante et reconnus dans la profession.
1. Le média de service public
Un média de service public est une structure mettant à disposition des fréquences radios et des chaînes de télévision sur la base d’un financement public. Les contenus que les médias de service public proposent ont vocation à informer, éduquer et divertir le public. Leur statut et leurs pratiques sont établis par la loi : ils doivent s’adresser à l’ensemble de la société, de manière impartiale et indépendante. Parmi les médias de service public, on retrouve le groupe France Médias Monde, France Télévisions ou encore Radio France.
Ces médias sont financés en très grande partie par les impôts collectés par l’Etat : les subventions représentent entre 80 et 90% du financement. Le complément est assuré par les revenus publicitaires.
En termes de gouvernance, l’Etat n’a aucun droit de regard sur la ligne éditoriale de ces médias, et ce, même s’il les finance. Le·a président·e de ces groupes est nommé·e par décret de l’ARCOM (ex-CSA), un organisme indépendant qui rend compte de son action aux pouvoirs publics mais n’est pas sous l’autorité du gouvernement.
2. Le média privé
Un média privé est une structure médiatique détenue par des groupes privés : c’est le cas d’un grand nombre de titres de presse tels que Le Monde, Libération ou encore Le Parisien. Ils sont donc financés en grande partie par des groupes privés, ainsi que par des subventions étatiques et des revenus émanant de la publicité et des abonnements payants.
Leur Conseil d’Administration est composé des actionnaires principaux.les, qui n’ont techniquement aucun droit de regard sur la ligne éditoriale : des stratégies existent pour tenter de préserver au mieux l’indépendance du travail journalistique comme des chartes d’éthique et de déontologie par exemple.
Les processus de désignation des postes à responsabilité des médias démontrent une gouvernance actionnariale, c’est-à-dire une manière de diriger des actionnaires, plus ou moins prononcée :
Par exemple, au Monde, l’élection du directeur actuel, Jérôme Fenoglio, s’est déroulée en plusieurs étapes : son nom a d’abord été présenté par les trois actionnaires majoritaires, puis soumis à une élection par les journalistes du titre : il lui fallait obtenir à minima 60% des voix pour être élu. Il a ensuite nommé ses adjoint·es, qui ont eux-mêmes nommé les différents rédacteur·ices en chef.
Dans d’autres médias privés, ce mode de fonctionnement n’est pas forcément instauré : l’actionnaire majoritaire peut décider d’imposer à l’équipe du média la personne qui occupera le poste de directeur·ice. Ça a récemment été le cas au Journal Du Dimanche, qui a vu Geoffroy Lejeune être nommé à sa tête contre l’avis de l’ensemble des journalistes de la rédaction.
3. Le média indépendant
Un média indépendant est une structure dont les modalités ne sont pas fixes. Les critères d’appartenance généralement admis sont ceux d’être un média dont le modèle économique est exempt de toute forme de pression et de respecter la déontologie journalistique. (Si vous souhaitez avoir plus de précisions sur ce qu’est un média indépendant, vous pouvez aller consulter notre article sur le sujet).
Le financement n’est assuré ni par des actionnaires privé·es, ni par des contenus publicitaires (pour la plupart des médias indépendants). Les sources de revenus sont les dons, les abonnements des lecteur·ices ou encore les campagnes de financement participatif : ce modèle économique protège ces médias des potentielles sources de pressions, mais repose sur un équilibre fragile et peut se retrouver facilement en péril. Dans certains cas, les journalistes et employé·es du média peuvent en devenir actionnaires, garantissant ainsi l’indépendance complète de la rédaction.
La gouvernance des médias indépendants est propre à chaque structure. Mediapart, par exemple, a un mode de gouvernance assez unique en son genre. Il n’existe aucun actionnaire de Médiapart : c’est le Fonds pour une Presse Libre qui détient tout le capital de l’entreprise via la Société pour la Protection de l’Indépendance de Mediapart (SPIM). Ce fonctionnement permet au capital du média d’être aujourd’hui incessible, inviolable et non spéculable, lui assurant une indépendance pérenne.
Certains médias privés peuvent être considérés comme produisant un journalisme indépendant lorsqu’une limite franche est instaurée entre les actionnaires et les rédactions : il ne doit y avoir aucune forme d’influence. La frontière entre médias privés et indépendants n’est donc pas toujours évidente.
Il existe autant de modèles de gouvernance et de financement que de médias. Cependant, ces catégories nous permettent d’avoir un premier panorama sur la construction et l’organisation de l’écosystème médiatique en France.
Si cet article vous a plu, il existe dans le cadre d’une série de trois articles qui vous amèneront progressivement à situer la place centrale qu’ont les médias indépendants dans l’espace médiatique et l’importance primordiale qu’il faut accorder à leur préservation.
Épisode 1 : Comment fonctionne un média ?
Episode 2 : Les médias indépendants, indispensables mais en danger
Episode 3 : Vincent Bolloré, ou l'histoire d'un milliardaire à l'assaut des médias