Garantir la liberté, le pluralisme et l’indépendance des médias, selon l’article 34 de notre Constitution, relève du domaine… de la loi ! Face à l’inquiétude et aux menaces qui planent sur l'indépendance des médias et des journalistes, nous étions plus de 1000 citoyennes et citoyens à appeler les candidats aux élections de 2022 à s’engager à changer la loi. C’était l’objet de notre appel citoyen Médias 2022. A quelques jours des élections législatives, quel bilan tirer ? Cet appel a-t-il été entendu ? Que nous proposent les candidates et candidats aux élections législatives pour compléter un cadre législatif obsolète ? Après son analyse extensive des programmes des candidats à l’élection présidentielle, Un Bout des Médias vous propose aujourd’hui un tour d’horizon inédit des propositions des candidats aux élections législatives !
Un Bout des Médias est une association sans affiliation partisane : nous nous efforçons de compiler de manière objective les programmes des différentes forces politiques françaises, au prisme des propositions pour l’indépendance des médias que nous portons. En cas d’oubli ou d’erreur, n’hésitez pas à nous contacter !
Que propose ‘Ensemble’, la majorité présidentielle pour les médias ?
Le programme d’Ensemble, la majorité présidentielle, prévoit quelques propositions au sujet des médias, s’incluant dans la lignée du programme d’Emmanuel Macron à l’élection présidentielle.
Le programme de la majorité présidentielle prévoit d’organiser de grands Etats généraux pour le droit à l’information en Europe, pour “lutter contre toutes les tentatives d’ingérence et donner aux journalistes le meilleur cadre pour remplir leur mission essentielle, en associant les citoyens”.
Ce programme prévoit également la suppression de la redevance audiovisuelle : cette redevance d’un montant de 138€ payée par 23 millions de ménages sera supprimée. Cela ne veut pas dire que l’audiovisuel public sera supprimé ou privatisé ! En revanche, son financement dépendra du vote d’une loi prévoyant un budget pluriannuel pour les entreprises de l’audiovisuel public, loi qui devra être présentée au Parlement, et fait donc peser un double risque sur la pérennité des financements et l’indépendance des entreprises.
D’après nos recherches, aucune déclaration officielle ou éléments de programme n’indique que la majorité présidentielle serait en faveur d’une régulation plus stricte de la concentration dans le secteur des médias.
Que propose la Nouvelle union populaire, écologique et sociale (NUPES) pour les médias ?
Le programme de la NUPES, union de la France Insoumise, du Parti socialiste, d’Europe-Ecologie-les-Verts, du Parti communiste français et du parti Génération.s, formule un certain nombre de propositions au sujet des médias, visant à “Démocratiser les médias et adopter une loi anti-concentration”. Plusieurs candidates et candidats ont d’ailleurs exprimé leur soutien à l’appel citoyen #Medias2022 porté par notre association, parmi lesquels Marine Rosset, Thomas Luquet, Marie Nedellec, Arthur Delaporte, etc.
La NUPES propose, en premier lieu, d’adopter une loi anti-concentration dans les médias afin “d’engager leur démocratisation”. Elle propose également de créer un Conseil national des médias regroupant notamment l’actuelle ARCOM (Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique), en associant des représentants des professionnels du secteur et des usagers, chargé notamment de contrôler le respect de la loi anti-concentration et de garantir le pluralisme et la qualité.
Concernant les conditions de production de l’information, le programme prévoit de “protéger le secteur des intérêts financiers et politiques par un renforcement du statut juridique des rédactions, l’introduction d’une charte déontologique dans la convention collective, et donner un droit d’agrément aux rédactions face à l’entrée d’un nouvel actionnaire”. Le respect de certaines de ces dispositions sera assuré par le Conseil de déontologie des médias, que la NUPES souhaite transformer en “véritable pouvoir citoyen”.
Le programme propose, comme proposé par l’association Reporters sans frontières ou le collectif Informer n’est pas un délit depuis plusieurs années, d’assurer une protection des sources et des lanceurs d’alerte, sans les obliger à saisir leur employeur en premier lieu.
Concernant le soutien aux médias indépendants et aux conditions de travail des journalistes, la NUPES propose de favoriser les coopératives de journalistes, travailleurs des médias et de lecteurs/spectateurs/auditeurs, et d’attribuer des fréquences aux médias locaux et associatifs. Elle propose aussi de permettre la mutualisation des outils de distribution (imprimeries, serveurs, distribution).
Au sujet du financement public des médias, la NUPES propose de réserver les aides publiques à la presse aux seuls médias d’information en les conditionnant au respect du droit social et des conventions collectives, à l’égalité salariale entre les femmes et les hommes et à la mise en place de cellules de signalement des violences sexistes et sexuelles. Les médias condamnés pour incitation à la haine ou atteinte à la dignité des personnes ne pourront pas non plus en bénéficier.
En termes de gouvernance et de financement de l’audiovisuel public, le programme de la NUPES souhaite maintenir la redevance comme financement dédié, affecté et dynamique, en la rendant progressive pour plus de justice fiscale et en l’augmentant pour atteindre un budget comparable aux autres pays européens. Il propose également de faire valider par le Parlement les présidents de France Télévisions et de Radio France, et d’intégrer dans le cahier des charges de Radio France et France Télévisions des obligations de traitement des actualités des outre-mers à des horaires d’écoute standards.
En définitive, ce programme fait des médias, de leur financement et de leur indépendance un sujet de préoccupation et formule de nombreuses propositions. Plusieurs de ces propositions sont conformes à l’ambition des propositions portées par Un Bout des Médias, notamment au sujet de l’ambition de lutte contre la concentration des médias et de la création de nouveaux droits garantis aux rédactions comme le droit d’agrément. Toutefois, alors que les rédacteurs et rédactrices du livret Médias de l’Avenir en Commun avaient signé nos propositions à l’occasion de la campagne présidentielle, l’intégralité de nos propositions n’ont pas été reprises. Ce programme aurait en effet par exemple pu prévoir de conditionner les aides à la presse aux critères de garantie d’indépendance des journalistes, au-delà des critères de droit social et de lutte contre le sexisme évoqués dans le programme.
Que proposent Les Républicains et l'UDI pour les médias ?
La droite traditionnelle ne formule aucune proposition au sujet des médias ou du journalisme en dehors des propositions contenues dans le programme présidentiel de Valérie Pécresse, qui proposait de mettre fin à la redevance audiovisuelle.
Que propose le Rassemblement national pour les médias ?
Aucune mesure supplémentaire ne semble avoir été prise par rapport au programme présidentiel de Marine Le Pen, prévoyant la privatisation de l’audiovisuel public et la suppression de la redevance.
Mention Spéciale : "Allons enfants" et le Parti pirate
Deux partis politiques en dehors des grandes forces politiques portent un projet spécifiquement détaillé au sujet des médias : nous souhaitions donc conclure cette analyse en les mentionnant.
D’abord, le parti Allons enfants, qui promeut l’engagement des jeunes, a repris les propositions Médias 2022 dans son programme ! Les 8 candidates et candidats investis par ce petit parti aux législatives s’engagent donc à “renforcer les seuils de concentration des médias locaux et nationaux, mettre en place une gouvernance démocratique associant les employé·e·s et journalistes, et assurer la publication visible et accessible de la détention actionnariale (personnes physiques et sociétés) pour chaque média”.
Ensuite, le Parti pirate, qui fonde son programme sur des principes de "liberté, d'indépendance et d'autonomie", propose dans son socle programmatique une réforme du financement de la presse écrite, avec notamment la favorisation des "société de médias à but non lucratif" et la restructuration des aides à la presse.